Mamdouh Bahri's Interviews


Le Temps, Dec 29th 1998 - by Hamadi Abassi

Musiques sans frontières

Musicien tunisien installé en France à Montpellier, Mamdouh Bahil est un artiste passionné de jazz et de guitare électrique. Tout un parcours où le blues, le rock, le jazz côtoient la musique latine, celle arabe et les rythmes afro-américains. Cette démarche musicale lui permet selon toute évidence une liberté, un goût du large qui l'incite à entreprendre dans le sens d'une synthèse harmonieuse entre la musique Orientale (par la mélodie et le rythme) et la musique afro-américaine (par l'harmonie, les sonorités, les timbres et l'organisation).

Après différentes tentatives et expériences, Mamdouh opte finalement pour le jazz, un langage qui s'adapte aux spécificités que chaque musicien peut véhiculer. C'est-à-dire préserver la caractéristique de sa musique originelle revisitée par la sensibilité et le feeling des artistes interprètes. Pour Mamdouh, l'aventure du jazz et à restituer par le souffle et le feeling de la musique orientale. Il ne s'agit pas pour la circonstance de dépersonnalisation, mais de rapprochement d'une volonté de dialoguer par delà les différences. Un discours de tolérance en somme pour diversifier l'écoute et approcher par le rythme et la mélodie l'humanité des auditeurs.
Le jazz devient ainsi un langage adapté aux spécificités de chacun des interprètes, une façon de dépasser les limites restrictives des frontières pour essaimer un discours libre et universel.

Mamdouh Bahri tient à faire signifier par le jazz cette similitude qui existe entre ce genre et la musique dite orientale traditionnelle qui elle aussi est l'expression d'un vécu d'un cheminement nostalgique pour exprimer cet attachement à la mémoire. "La musique arabe est l'expression d'une quête d'une volonté d'intégration et d'échange entre différentes expressions et sensibilités. Elle est le reflet d'une volonté de liberté, mais aussi d'implosion des règles rigides conventionnelles qui la déterminent", aime à souligner Mamdouh qui s'empresse d'ajouter "La musique arabe est en perpétuel mouvement, en situation de Synergie qui la pousse à se ressourcer pour mieux se dépasser et défricher des terrains neufs. Démarches significatives entreprises par Zeriab, Elkendi, Saïed Derouiche notamment..."

Outre son vécu en France où il donne de nombreux concerts Mamdouh a vécu trois mois à New York où il s'est produit au côté du trompettiste Kamal Abdul Alim. Cette expérience lui a permis de rencontrer le leader du Big Band "Spirit of Life Ensemble". Une fommtion de 40 musiciens de différentes de différentes sensibilités. Tous compositeurs et arrangeurs et doivent de surcroît contribuer au répertoire de la formation par leur propre composition. Mamdouh Bahri à dû s'adapter à ses nouvelles exigences, composer et arranger dans l'esprit du band, sans renier sa spécificité afro-maghrébine. Cette coopération fructueuse a été couronnée par différents CD, cinq au total "Insipirations", "Feel the Spirit", "Live! at the 5 spot NY", "Live at Pori Jazz" et le tout dernier "Collage" en 1998.

Par ailleurs, Mamdouh Bahri possède quatre enregistrements, le premier intitulé "Song For Sarah" paru en 1987 en-K7, "Mamdouh Bahri From Tunisia with Love" en 1992, "Mamdouh Bahri Nafta. Les portes du désert"en 1993, une synthèse de genres entre la musique orientale et le jazz
et "Mamdouh Bahri. African Flame" en 1998, une nouvelle synthèse entre la musique afro-américanie et maghrébine.

Venu pour un bref séjour en Tunisie où il s'active à faire la promotion de son CD, ce musicien plein d'énergie dégage beaucoup de sepsibilité et de punch dans son travail. Après avoir développé une démarche qui combinait les influences musicales arabe et africaine, c'est à un tout autre cheminement qu'il se réfère une nouvelle aventure qu'il intitule Afro-Méditerranéenne pour exprimer sa vision actuelle et sa propre sensibilité de jazz-man. "African Flame" est un CD qui reflète les nombreuses influences musicales qui ont jalonné ma carrière, pour mieux les reformuler par une approche plus subjective et intuitive. Elabora un nouveau lexique musical pour proposer un autre langage puisé dans la matière originelle du jazz.

Des projets immédiats, il en a aussi, notamment un nouveau CD au titre provisoire "Mamdouh Behri and Friends". Une compilation de morceaux composés et arrangés pour différentes formations musicales, avec la participation vocale de la chanteuse New Yorkaise Cynthia Hilts, elle-même parolière et pianiste.

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Jazz Magazine #416, June 1992 - by Dany Michel

Another Night In Tunisia

Entre mémoires d'orient et blues, esprit de Newark ou New York et jazz action de Montpellier, une nouvelle manière d'effacer les frontières avec une guitare. Premier manifeste : "From Tunisia With Love", en quartette avec le pianiste Horace Parlan.
Je suis né à Sfax le 31 juillet 1957. J'ai commencé la musique par la percussion, plus exactement la derbouka, et j'ai joué lors de fêtes, de mariages, des musiques traditionnelles populaires. Je chantais aussi. J'ai commencé la guitare vers douze-treize ans, puis j'ai arrêté pour me consacrer à mes études. Ce n'est qu'en 1975 que j'ai acheté ma première guitare. J'ai d'abord joué du blues-rock, sous l'influence de Santana, Creedence Clearwater, Hendrix, B.B. King, James Brown... Aidé par le guitariste Najib Sellami, j'avais un répertoire allant du blues au reggae en passant par des musiques traditionnelles arabes, car bien qu'étudiant l'hiver je jouais l'été dans un hôtel, et là il fallait pouvoir aborder toutes sortes de musiques. J'ai entendu parler de Berklee en 77, par des musiciens qui jouaient en France et rentraient en Tunisie l'été. Ils m'ont fait découvrir Ponty, le Mahavishnu Orchestra, AI Di Meola... J'ai commencé d'apprendre l'harmonie en étudiant la méthode de Berklee par correspondance. J'ai ensuite rencontré le guitariste, Fawzi Chekili, avec qui j'allais faire le boeuf - c'est l'un des meilleurs guitaristes de jazz tunisiens. C'est à cette époque que j'ai découvert George Benson, et j'ai eu vraiment envie de jouer dans ce style - l'album s'intitulait "Weekend in L.A.". Par la suite, je me suis inscrit à la Berklee School, mais n'ayant pas d'aide financière pour aller à Boston, j'ai eu l'opportunité d'aller à la Swiss Jazz School de Berne et j'y suis resté trois mois. C'est lors de ce séjour que j'ai vraiment découvert le jazz, Wes Montgomery et tous les Grands. J'ai séjourné en France quelques mois en 1980, et j'y suis retourné pour m'y installer en 1983, à Montpellier.
Ma première expérience musicale a été avec un orchestre de bal, j'ai aussi participé à des jam sessions au "Doyen" et j'y ai rencontré pas mal de musiciens qui m'ont par la suite appelé pour des concerts. J'ai aussi donné des cours d'harmonie au Jam (Jazz Action Montpellier) de 1983 à 90.
Le premier concert auquel j'ai assisté c'est celui du trio de McLaughlin, AI Di Meola, Paco de Lucia, ça se passait à Genève en 1979. Le second, c'était lors du festival de Nimes en 1983 : Herbie Hancock, Ron Carter, Tony Williams avec les frères Marsalis et le Getaway Trio qui comprenait John Abercrombie, Dave Holland et Jack DeJohnette. J'ai adoré leur énergie, et j'ai ensuite formé un groupe dans cet esprit avec Lionel Paudras à la contrebasse, Pierre Luc Bensousan à la batterie. Grâce à Lionel, qui a une énorme collection de disques, j'ai écouté de plus en plus de jazz, Parker, Miles, Coltrane, Bill Evans... Joe Diorio, qui est venu quatre fois à Montpellier à l'occasion de stages, m'a beaucoup apporté sur la manière de travailler l'instrument. J'ai enregistré en 1987 une bande, "Song for Sarah", qui est sortie seulement en cassette. J'ai à l'heure actuelle deux projets qui me tiennent à coeur : un disque avec Horace Parlan, Riccardo Del Fra et Idris Muhammad, avec qui j'ai joué pour la première fois dans le cadre du festival Jazz d'O à Béziers, et un autre, plus "ethnique". En 88, je suis allé à New York et j'y ai étudié la composition avec Richie Beirach. J'y suis retourné en 91 et j'ai étudié l'improvisation avec Jim Hall et John Abercrombie. J'ai joué aussi dans le quartette du trompettiste Kamal Abdul Alim, ainsi qu'avec le Spirit Of Life Ensemble dirigé par le percussionniste Daoud Williams. J'ai eu la possibilité d'y revenir en février 92 et nous nous sommes produits au Blue Note de New York.
Parmi mes musiciens favoris, il y a des saxophonistes : Parker, Rollins, Dexter, Coltrane, Joe Henderson, Jarry Bergonzi... Pour les bassistes, Percy Heath, Paul Chambers, Dave Holland, George Mraz, Charlie Haden, Texier... Pour les pianistes, Monk, Evans, Hancock, McCoy, Horace, Jarrett, Kenny Kirkland... Pour les batteurs, Elvin, Jimmy Cobb, DeJohnette, AI Foster, Daniel Humair, Aldo Romano, Adam Nussbaum... Pour les trompettistes, Clifford Brown, Miles, Tom Harrell...

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