Mamdouh Bahri "Tabarka" - CD : JMA 0511-1


Tabarka Cover Design

Liner Notes

N'ayons pas peur des rapprochements, associations et métaphores prévisibles, voire “téléphonés” : d'emblée, ce jazz-là s'impose en douceur, ou plutôt suggère des tempos et langueurs de tapis volant, des volutes et inévitablement (étymologiquement) des arabesques, et bien sûr ce mouvement sinusoïdal du nombril des danseuses orientales qui n'en finit pas de dessiner l'infini. À la différence des déjà désuètes et mercantiles tentatives qui, naguère étiquetées “world music”, ont pu faire croire à quelque réinvention du “métissage”, alors que le mélange, le mixage constituent depuis près de quatre siècles (depuis cet “accident” de l'histoire à quoi l'on doit la “fabrication” dans le Nouveau Monde de travailleurs immigrés involontaires...) un des axes de la musique africaine-américaine, à la différence de ces “produits” vaguement ”exotiques”, le désir musicien de Mamdouh Bahri est, sinon “naturellement”, en tout cas biographiquement à un carrefour de cultures dont il offre une illustration remarquable – l'orchestre new-yorkais "Spirit of Life Ensemble" et son percussionniste leader Daoud Williams ne s'y sont pas trompés qui ont fait du guitariste tunisien un de leurs “guest soloists” vedettes depuis près de quinze ans. Se croisent et s’entrelacent dans les thèmes et les improvisations de Mamdouh Bahri la mémoire de diverses phases du jazz et du blues, les échos de certains “déchireurs” assimilés à l’univers du rock, mais aussi les effluves, comme en filigrane, des maîtres de l’oud, ce luth oriental dont les nuances cristallines imprègnent toute la musique arabe, voire certaines inflexions et tournures plus ou moins consciemment héritées des grandes voix de l’Orient arabophone. Et c’est en cela aussi qu’il n’est pas besoin de “passerelle” pour circuler dans le monde sonore de Bahri : quelle que soit la région, la couleur qui sous ses doigts passent au premier plan, que la référence la plus évidente soit bleue et/ou noire, afro-américaine ou arabo-andalouse, le pouvoir de charme de cette musique est inévitablement fondé sur l’amour de la danse et du chant – sur des mouvements de corps.

Philippe Carles – Rédacteur en chef de Jazz Magazine, producteur à France-Musiques, co-auteur du Dictionnaire du jazz (éd. laffont) et de Free Jazz Black Power (Folio/Gallimard)

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